Protection par voie contractuelle

mise à jour: 17/06/2021

Espaces d'application
Objectifs
Procédures
Effets juridiques
Exemples
Les différents acteurs et leur implication
Pour aller plus loin

Espaces d'application

  • Tous les espaces naturels, qu’ils appartiennent à des personnes publiques ou privées, physiques ou morales, suscitant une volonté de protection de la biodiversité, des milieux, des habitats et/ou des fonctions écologiques de la part de son propriétaire et/ou de ses usagers.

Objectifs

  • La protection des espaces naturels par la maîtrise foncière ou la maîtrise d'usage des espaces naturels.

Procédures

Définition

Le contrat est défini comme un « accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier transmettre ou éteindre des obligations » (articles 1101 du Code civil).

Le contrat (indifféremment dénommé « convention ») permet :

  • la transmission de la propriété foncière à une entité ayant pour objet la protection des espaces naturels, de la biodiversité et des habitats (acquisition, don ou legs) ; ou
  • la maitrise d’usage desdits espaces (bail ou contrat portant obligations réelles environnementales (ORE) par exemple) ; ou
  • la détermination des modalités de gestion des espaces naturels.
Caractéristiques générales du contrat

Qui signe ?

La conclusion d’un contrat ayant pour objectif la protection des espaces naturels et de la biodiversité est une démarche volontaire de la part d’un propriétaire foncier ou du titulaire d’un bail emphytéotique, voire de certains usagers du site, afin de maintenir, gérer, réhabiliter et/ou préserver la faune, la flore et les habitats se trouvant sur ce terrain.

Où le contrat s’applique-t-il ?

Tout espace appartenant à des personnes publiques ou privées, physiques ou morales et présentant un intérêt de préservation des espèces faunistiques ou floristiques qu'il abrite ainsi que les milieux et habitats de ces espèces, en tenant compte des éventuelles réglementations et zonages spécifiques applicables, des qualités paysagères, des enjeux locaux, des contraintes et opportunités alentours ou encore des éventuels usages et projets existants ou envisagés.

Comment est-il conclu ?

La protection des espaces naturels par la voie contractuelle nécessite une formalisation par écrit entre le ou les détenteurs de droits réels sur le bien (propriétaire, emphytéote), les usagers et/ou gestionnaire du bien voire l’autorité administrative compétente.

Un contrat peut être conclu :

  • sous seing privé, c’est-à-dire sans intervention d’un officier public (notaire, greffier voire devant le représentant d’une collectivité territoriale), ou
  • sous la forme authentique, c’est-à-dire devant un officier public (obligatoire notamment en cas de transfert de propriété ou dans le cadre des ORE, et recommandée en cas de servitude conventionnelle).

En pratique, l’officier public est la plupart du temps un notaire, chargé de l’authentification et de la conservation des actes. Il est investi d’un devoir de conseil envers la ou les parties. Les actes sont publiés au Service de la publicité foncière (anciennement Conservation des hypothèques) afin d’être rendus opposables aux tiers et de transférer, le cas échéant, les obligations aux propriétaires successifs.

Combien le contrat coûte-t-il ?

Les coûts liés à la constitution de l’acte :

  • la maitrise foncière ou d’usage : la maitrise peut être cédée à titre onéreux (cession, bail rural, bail emphytéotique) ou à titre gratuit (don, legs, prêt à usage) ou à la discrétion des parties (ORE, convention de gestion)
  • les frais d’actes lorsqu’il s’agit d’un acte notarié et dont le coût varie selon l’acte effectué, les taxes applicables ainsi que le montant des émoluments ou honoraires du notaire.

Les coûts liés l’exécution du contrat, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de mesures de suivi, de gestion et/ou de réhabilitation.

Quelle est la durée du contrat ?

  • Durée illimitée : les servitudes conventionnelles, à condition d’avoir fait l’objet d’une publication au service de la publicité foncière : elles se transmettent alors aux propriétaires successifs avec les terrains sur lesquels elles portent.
  • Durée déterminée, plus ou moins longue en fonction des contrats (par exemple : bail emphytéotique compris entre 18 et 99 ans, ORE pouvant aller jusqu’à 99 ans, contrat Natura 2000 d’une durée de 5 ou convention de mise à disposition Safer pour une durée maximale de 6 ans).
  • A l’issue de leur période d’effet et en fonction de ce qui est prévu par le contrat, le contrat peut être expressément ou tacitement reconduit, ou prendre fin.
Zoom sur quelques contrats

Les obligations réelles environnementales

Cet outil a été créé par la loi n° 2016-1087 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et est codifié à l’article L. 132-3 du Code de l’environnement afin de compléter la panoplie des dispositifs existants au service de la biodiversité. Par sa nature contractuelle et par conséquent adaptable et volontaire, c’est un outil qui se distingue des outils administratifs ou réglementaires. Par ses effets, il se distingue des outils contractuels préexistants en permettant d’attacher des obligations au foncier (et non aux personnes) pour une durée pouvant aller jusqu’à 99 ans.

Ce contrat est mis en place entre (i) un propriétaire foncier, qui peut être une personne privée (personne physique ou personne morale) ou une personne publique, et (ii) un cocontractant, qui peut être une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement.

L’objectif de ce contrat et des obligations qu’il contient est « le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques ». Il peut être contractualisé sur tout type de biens immobiliers (jardins, toits, forêts, parcelles agricoles etc.), tout type de milieux (tourbières, prairies, zones humides etc.) et pour tout type de biodiversité (ordinaire, extraordinaire ou menacée) ou fonctions écologiques.

Les obligations réciproques qu’il contient et les modalités de gestion du site sont librement discutées et consenties entre les parties (sous réserve des droits des tiers et notamment des droits liés à la chasse et aux réserves cynégétiques). Cette liberté permet notamment au propriétaire de continuer à jouir de son bien tout en valorisant le patrimoine naturel pour lui et ses successeurs.

L’acte est notarié et inscrit au fichier immobilier, afin d’être publié, opposable à tous et transmis automatiquement aux propriétaires successifs. Les obligations environnementales créées et attachées au site permet au propriétaire de conférer une vocation écologique durable et pérenne à son patrimoine.

Par ailleurs, un propriétaire qui a consenti un bail rural doit recueillir le consentement exprès ou tacite du preneur à bail avant la conclusion de l’ORE. Schématiquement, le propriétaire pourra conclure une ORE avec un cocontractant, permettant d’attacher durablement des mesures de protection de la biodiversité du site et conclure un BRCE (voir ci-dessous) dans le cadre de l’exploitation agricole du site.

Dans tous les cas, il conviendra de veiller à la prise en compte des usages et projets envisagés sur le site et des enjeux territoriaux, afin de permettre la meilleure effectivité possible des mesures environnementales attachées audit site.

Le bail rural à clauses environnementales (BRCE)

Historiquement, le bail rural a une vocation de mise en valeur du site à des fins agricole et n’a aucune finalité écologique. Afin de permettre la mise en place de pratiques vertueuses pour l’environnement, le dispositif a évolué en 2006 puis en 2014 avec la création du bail rural à clauses environnementales, codifié à l’article L. 411-27 du Code rural et de la pêche maritime. Les éléments principaux de ce contrat sont rappelés ci-après :

  • (i) Protection du preneur à bail : le fait que le preneur applique des mesures de protection de l’environnement ne peut justifier la résiliation du bail par le propriétaire.
  • (ii) Accord des parties concernant la mise en œuvre de bonnes pratiques culturales : lors de la conclusion ou du renouvellement du bail, les parties peuvent souhaiter prévoir la mise en œuvre de mesures écologiques sur les parcelles exploitées.
Bailleurs
>Parcelles
> Clauses
Tout bailleur
> Toute parcelle
Insertion de clauses tendant au maintien d’infrastructures ou de pratiques écologiques (ce qui suppose que ces infrastructures ou pratiques sont préexistantes au bail et l’établissement d’un état des lieux d’entrée) – exemples d’infrastructures : haies, arbres, mares, fossés, bosquets etc.

 

ET

Bailleurs  > Parcelles
Personne morale de droit public, une association agréée de protection de l'environnement, une personne morale agréée « entreprise solidaire », une fondation reconnue d'utilité publique ou un fonds de dotation
> Toute parcelle
Personne autre qu’une personne morale de droit public ou assimilée
> Sur des parcelles agricoles situées dans des espaces définis au 5ème alinéa de l’article L. 411-27 : les zones humides ; les terrains riverains d’un cours d’eau, ou de la dérivation d’un cours d’eau, ou situés dans son bassin versant ou dans une zone estuarienne ; les territoires situés dans le champ de compétence du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres ; les territoires des parcs naturels nationaux et régionaux ; les espaces situés dans le périmètre de protection défini autour des réserves naturelles nationales ou régionales, les zones spéciales de conservation Natura 2000 ; les espaces situés dans la trame verte et bleue ; dans les zones couvertes par un plan de prévention des risques naturels ; dans le  périmètre de protection des captages d’eau potable ; dans les zones d’érosion des sols agricoles.
> Clauses
16 clauses limitativement énumérées à l’article R. 411-9-11-1 du Code rural et de la pêche maritime
1° Le non-retournement des prairies ;
2° La création, le maintien et les modalités de gestion des surfaces en herbe ;
3° Les modalités de récolte ;
4° L'ouverture d'un milieu embroussaillé et le maintien de l'ouverture d'un milieu menacé par l'embroussaillement ;
5° La mise en défens de parcelles ou de parties de parcelle ;
6° La limitation ou l'interdiction des apports en fertilisants ;
7° La limitation ou l'interdiction des produits phytosanitaires ;
8° La couverture végétale du sol périodique ou permanente pour les cultures annuelles ou les cultures pérennes ;
9° L'implantation, le maintien et les modalités d'entretien de couverts spécifiques à vocation environnementale ;
10° L'interdiction de l'irrigation, du drainage et de toutes formes d'assainissement ;
11° Les modalités de submersion des parcelles et de gestion des niveaux d'eau ;
12° La diversification de l'assolement ;
13° La création, le maintien et les modalités d'entretien de haies, talus, bosquets, arbres isolés, arbres alignés, bandes tampons le long des cours d'eau ou le long des forêts, mares, fossés, terrasses, murets ;
14° Les techniques de travail du sol ;
15° La conduite de cultures ou d'élevage suivant le cahier des charges de l'agriculture biologique ;
16° Les pratiques associant agriculture et forêt, notamment l'agroforesterie.

 

Le contrat « Natura 2000 »

Le champ d’application du contrat « Natura 2000 » concerne les situations dans lesquelles ce contrat « est exclusivement nécessaire ou directement lié à la gestion d’un site Natura 2000 », c’est-à-dire d’un site qui comporte des habitats et des espèces d’intérêt européen, qui ont justifié la désignation du site (art. L. 414-3 C.Env). Le contrat doit contenir le descriptif des opérations, l’indication des travaux et prestations d’entretien ou de restauration des habitats et des espèces et les délimitations des espaces auxquels ils s’appliquent (art. R. 414-13 C.Env). Les engagements contenus doivent être conformes aux orientations de gestion du document d’objectifs (DOCOB) applicable au site et au cahier des charges qu’il contient.

Ce contrat est conclu pour 5 ans entre le préfet et toute personne physique ou morale, publique ou privée, propriétaire du site.

Le contrat Natura 2000 doit également définir « la nature et les modalités des aides de l'Etat et les prestations à fournir en contrepartie par le bénéficiaire ». Il convient de noter que ces aides pourront devoir être remboursées si les obligations contenues dans le contrat Natura 2000 ne sont pas transmises à un éventuel nouvel acquéreur. Cela incite à la transmission des obligations.

Effets juridiques

Fondements juridiques des contrats permettant ou ayant pour objet-même la protection des espaces naturels, de la biodiversité et des habitats

Code civil

  • Propriété : articles 711 et suivants
  • Usufruit : articles 578 à 624
  • Servitude conventionnelle : articles 637 à 710
  • Baux civils : articles 1713 à 1778
  • Prêt à usage (ou commodat) : 1875 à 1991

Code rural

  • Conventions de mise à disposition à la S.A.F.E.R. d'immeubles ruraux libres de location : articles L. 142-6 et L. 142-7
  • Baux ruraux : articles L. 411-1 à L. 411-79, plus particulièrement les baux ruraux environnementaux : L. 411-27 et R. 411-9-11-1
  • Baux emphytéotiques : articles L. 451-1 à L. 451-13
  • Contrats d'exploitation de terres à vocation pastorale : L.481-1

Code général des collectivités territoriales : baux emphytéotiques administratifs : articles L. 1311-2 à L. 1311-4

Code de l’environnement

  • Contrats portant obligations réelles environnementales : art. L. 132-3
  • Gestion des réserves naturelles nationales et régionales par voie de convention : art. L.332-8, art. R. 332-19 à R. 332-22 (relatifs au gestionnaire et au plan de gestion des réserves nationales) et R. 332-41 à 332-43 (relatifs à la gestion des réserves régionales)
  • Art. L. 414-3 et R. 414-13 à R. 414-17 : contrat Natura 2000

Loi n° 67-1253 du 30 décembre 1967 d'orientation foncière : articles 48 à 60, Concession immobilière

Exemples

  • En 2021, les Conservatoires d’espaces naturels ont signé 12 ORE dans 7 départements.
  • Dans le département des Vosges, le Conservatoire des sites lorrains bénéficie, pour une somme symbolique, d'un bail emphytéotique d'une durée de 33 ans consenti par la commune de Gérardmer pour la maîtrise de trois tourbières d'une surface totale de 8 hectares.
  • Dans le département du Tarn, la gestion de la tourbière des Pansières, tourbière de 17 hectares abritant de nombreuses espèces rares dont une douzaine d'espèces protégées, a été confiée au Conservatoire d’espaces Naturels Occitanie, dans le cadre d'une convention de gestion passée avec l'Office national de la forêt et la Commune du Margnès.
  • L’ONCFS a signé, en 2009, un bail rural à clauses environnementales pour la réserve nationale des Bauges en Savoie.
  • Les Conservatoires d’espaces naturels ont conclu 210 baux ruraux à clauses environnementales (cf. tableau de bord du réseau des CEN, édition 2021).

Les différents acteurs et leur implication

La conclusion d’un contrat ayant vocation à préserver les espaces naturels et/ou la biodiversité sur un site relève en premier lieu de l’initiative du propriétaire du site. Pour mémoire et sans préjudice de la réglementation applicable par ailleurs (par exemple la réglementation Natura 2000 ou Parcs naturels nationaux ou régionaux), un propriétaire ne peut être contraint à la conclusion d’un tel contrat.
La démarche de contractualisation de la protection peut également émaner des Conservatoires d’espaces naturels ou d’autres associations de protection de la nature propriétaires et/ou gestionnaires de sites naturels.

Pour aller plus loin

La protection conventionnelle des espaces naturels : étude de droit comparé, Catherine Giraudel, Centre de recherches interdisciplinaires en droit de l'environnement, de l'aménagement et de l'urbanisme, PU Limoges, 2000.